Criminaliser le contrôle coercitif

Comprendre
Professionnel.le du système de justice

Vers la criminalisation du contrôle coercitif : un mouvement international 

Depuis 2015, plusieurs pays ont criminalisé les comportements coercitifs et contrôlants en contexte conjugal. Les premiers pays qui ont légiféré en la matière sont l’Angleterre et le Pays de Galles (2015), suivis de l’Écosse (2018), de l’Irlande (2019), puis de certains États américains et australiens (à partir de 2020). L'approche législative privilégiée varie d’un pays à l’autre. Si toutes ces législations ont en commun d’avoir criminalisé le contrôle coercitif ou d’être en voie de le faire, toutes les lois ne se valent pas. Certaines sont plus exhaustives que d’autres. 

Pour en savoir plus sur les pratiques légales des pays ayant criminalisé le contrôle coercitif, consultez notre Revue de littérature sur le contrôle coercitif (p. 73-77)

Il est intéressant d’amener à la conscience des acteurs judiciaires avec quelle force la police ou les tribunaux répondraient à quelqu’un qui prendrait un inconnu en otage, ou qui réglementerait strictement la façon dont cet inconnu s’habille, marche, parle, dépense son temps ou son argent.

Tiré du site End Coercive Control (non accessible actuellement) [Traduction libre]

Qu’en est-il au Canada?  

Actuellement, les poursuites criminelles en matière de violence conjugale sont surtout intentées dans des cas d’incidents considérés comme isolés et de violence physique. Le Code criminel canadien prévoit quelques infractions telles que les menaces (article 264.1), le harcèlement criminel (article 264), l’entrave à la justice (article 139) ou les méfaits (article 430) qui peuvent être reliées à certains comportements coercitifs ou contrôlants dans une relation. Cependant, aucune infraction n’englobe l’ensemble des stratégies mises en place par l’auteur de violence pour maintenir la victime captive de son emprise.

Bien que le contrôle coercitif ne soit pas encore une infraction dans le Code criminel canadien, certaines avancées législatives et politiques survenues à l’échelle nationale dans les dernières années sont à souligner.  

  • Le projet de loi privé C-332, présenté par le Nouveau Parti démocratique (NPD), vise à criminaliser le contrôle coercitif. Il a franchi plusieurs étapes décisives en 2024.  
  • Le projet de loi C-233, aussi appelé la « Loi de Keira  » en hommage à la jeune Keira, 4 ans, décédée dans un contexte de violence conjugale post-séparation, a été adopté le 18 avril 2023. Cette loi vise une meilleure compréhension par les juges de la violence conjugale et du rôle central que joue le contrôle coercitif dans ce contexte (Débats de la Chambre des communes, 10 mars 2023, p. 1245). À cette fin, la loi prévoit la tenue de colloques portant notamment sur le contrôle coercitif entre partenaires intimes, dans le cadre de la formation des juges. 

Autres changements notables 

Changements apportés à la Directive VIO-1 applicable aux dossiers en matière de violence conjugale (au Québec)

Depuis juin 2023, la notion de contrôle coercitif a été intégrée dans la directive VIO-1 Violence conjugale à laquelle sont soumis l’ensemble des procureurs aux poursuites criminelles et pénales à travers la province du Québec.

  • La directive inclut la notion de contrôle coercitif à la définition générale de la violence conjugale;
  • La directive précise que le contrôle coercitif est un facteur à considérer au stade de la mise en liberté provisoire d’un prévenu.
  • En cas de remise en liberté, le ou la procureur.e doit tenir compte du contexte de contrôle coercitif afin d’établir les conditions de mise en liberté appropriées pour assurer la sécurité de la victime et des enfants.

Loi sur le divorce (au Canada)

Depuis mars 2021, la présence de contrôle coercitif doit être prise en compte dans une procédure de divorce, afin d’assurer la sécurité physique et émotionnelle de l'enfant (Loi sur le divorce. L.R.C. (1985), ch. 3, art. 16 (4)) 

Concrètement :  

  • La définition (art. 2) contient une liste non exhaustive de comportements qui peuvent être considérés comme de la violence familiale : harcèlement, menaces, abus sexuels, violence économique, mais aussi violence envers les animaux.
  • La définition clarifie qu’il n’est pas nécessaire que le comportement constitue une infraction criminelle ou qu’il corresponde au seuil d’infraction de « preuve hors de tout doute raisonnable » pour être considéré comme de la violence conjugale. 

Position du Regroupement

Depuis plusieurs années, le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale plaide en faveur de l'ajout d'une infraction de contrôle coercitif au Code criminel. Il met de l'avant l'importance de réunir, en amont, toutes les conditions à une application optimale : sensibilisation, formation, directives et processus de reddition de comptes.

Pour en savoir plus, consultez notre Plaidoyer pour la création d’une infraction criminelle de contrôle coercitif dans le contexte de relations intimes.

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